L'anguille européenne est une espèce en danger. Des chercheurs danois ont réussi à produire des oeufs d'anguilles européennes et à maintenir les larves en vie pendant 12 jours. Pendant cette période, les larves ont dépassé la phase critique où elles dépendent uniquement de la nourriture provenant de l'oeuf et ont atteint un stade d'autonomie pour se nourrir seules. Ce résultat est une découverte importante, la reproduction des anguilles en captivité s'étant jusqu'à présent montrée difficile. A plus long terme, le but est de produire des anguilles en aquaculture afin d'éviter la disparition de cette espèce.
La reproduction des anguilles européennes se produit uniquement dans la mer des Sargasses. En captivité, les anguilles ne parviennent pas à maturité. Afin de reproduire des anguilles en captivité, la maturation des espèces mâles et femelles est provoquée par contrôle hormonal et la fertilisation des oeufs est faite in vitro.
Le Français Maurice Fontaine a été le premier chercheur à provoquer la maturation des mâles (1936) et des femelles (1964) en captivité. Ce n'est qu'à partir des années 1980 que des larves ont été produites pour la première fois. Ces larves, obtenues par une équipe russe, survécurent 3,5 jours. Ce record n'a été battu qu'en 2006, où une équipe de l'Université Technologique du Danemark (DTU) a produit des larves de 5 jours. Cette année, DTU a battu son propre record en portant la durée de vie des larves à 12 jours. Les larves ont ainsi dépassé le premier stage larvaire, appelé yolksac.
Deux jours après fertilisation, les larves, placées dans des incubateurs, sont peu développées. Pendant ce premier stade de vie, elles se nourrissent de l'oeuf, c'est-à-dire du jaune et d'une gouttelette d'huile, et développent leurs yeux, mâchoires, systèmes digestifs, etc ... Après cinq jours, les mâchoires et la bouche se forment ; après huit à neuf jours, les larves atteignent le stade correspondant à celui des plus jeunes individus connus provenant de la mer des Sargasses. Au douzième jour, les larves sont complètement développées, avec de grands yeux pigmentés, des dents saillantes caractéristiques, et un système digestif fonctionnel. Le jaune et les lipides de l'oeuf sont entièrement utilisés, les larves sont prêtes à se nourrir elles-mêmes.
Ces nouveaux résultats sur la reproduction artificielle des anguilles sont d'autant plus importants que l'espèce est en danger. La population des anguilles en Europe a considérablement chuté, le niveau actuel représentant moins de 1% du niveau atteint il y a 30 ans. En juin 2007, les anguilles européennes ont été classées dans le CITES Appendix II parmi les espèces en danger. CITES est une convention internationale établie en 1973 pour protéger les animaux sauvages et les plantes contre la surexploitation. L'Appendix II ne permet leur commerce que dans des conditions très restrictives.
Jusqu'à maintenant, l'élevage d'anguilles repose entièrement sur le prélèvement de larves que le courant de l'océan Atlantique ramène sur les côtes européennes. Le but à long terme de ce projet de recherche est d'assurer une aquaculture auto-entretenue. Les prochains défis seront de développer les apports nutritionnels dont les anguilles ont besoin, car on ignore toujours de quoi elles se nourrissent. Des expériences menées sur des anguilles japonaises ont en effet montré qu'il est difficile de développer des apports adaptés.
Le projet danois s'intitule "Reproduction artificielle des anguilles - ROE II" et est financé par le programme 2006 de recherche maritime du Ministère danois de l'Agriculture, de la Pêche et des Produits Alimentaires (Fødevareministeriet). Ce projet est mené par l'Institut Danois de la Pêche (Danmarks Fiskeriundersøgelser) à l'Université Technologique du Danemark (DTU), il est mené en collaboration avec l'Université de Copenhague, le service d'aquaculture de Billund et l'organisation danoise d'aquaculture.