Les poissons-chats, en particulier les pangasiidés et les clariidés, représentent une ressource économique majeure en Asie du Sud-Est où leur production annuelle dépasse 130.000 tonnes. En Indonésie, deux espèces allochtones, Clarias gariepinus d'origine africaine et Pangasius hypophthalmus originaire de Thaïlande, constituent les principaux poissons-chats d'élevage. Aussi, depuis quelques années, ce pays tente-t-il d'améliorer et de diversifier sa production aquacole, notamment avec des espèces autochtones, plus appréciées des consommateurs indonésiens et d'une valeur marchande deux à trois fois supérieure à celles des espèces introduites.
C'est dans ce contexte que l'IRD, en partenariat avec le CRIFI (Central Research Institute for Fisheries) de Jakarta, et le soutien de l'Union européenne, a lancé dès 1996 le programme "Catfish Asia" qui associe étroitement recherches fondamentales et appliquées. Grâce aux études menées sur la diversité biologique de ces deux familles de poissons-chats dans les cours d'eau indonésiens, les zones de répartition des espèces ont pu être précisées. Des clés d'identification ont également été établies alors que trois espèces de Pangasius, nouvelles pour la sciences, ont été découvertes. Les connaissances acquises sur la biologie des poissons-chats d'Indonésie et les essais menés en conditions d'élevage avec des spécimens capturés en milieu naturel ont permis d'identifier plusieurs espèces locales de pangasiidés, susceptibles de représenter un grand intérêt pour la pisciculture.
Parmi ces nouvelles espèces, Pangasius djambal, qui n'avait jamais été jusqu'à présent utilisée pour la pisciculture, apparaît aujourd'hui, au terme de plusieurs années d'expérimentation, comme la plus prometteuse pour la diversification de l'aquaculture indonésienne. Son élevage a commencé en 1997, année au cours de laquelle les chercheurs ont réussi à obtenir, pour la premier fois, la reproduction de cette espèce en captivité. Dès lors, les recherches ont été développées dans deux stations de pisciculture expérimentale de Java et Sumatra où les différentes étapes du cycle d'élevage de cette espèce ont pu être maîtrisées. Comme la plupart des poissons, Pangasius djambal ne se reproduit pas spontanément en conditions d'élevage. Ainsi la naissance d'alevins est rendue possible grâce à un traitement hormonal déclenchant l'ovulation, puis par fécondation artificielle, des techniques qui permettent la collecte d'un nombre d'ovules élevé et conduit après fécondation à un taux d'éclosion satisfaisant d'environ 70% en moyenne.
Plus de 300.000 larves ont ainsi été produites dans les deux stations piscicoles au cours de l'année 2000. Soulignons que cette espèce présent, en captivité, un taux de croissance élevé et bien supérieur à celui de Pangasius hypophthalmus. Au regard de ces résultats, cette espèce apparaît donc comme un excellent candidat pour l'aquaculture. Actuellement, les chercheurs poursuivent leurs travaux avec le soutien du ministère français des Affaires Etrangères afin d'améliorer les méthodes d'élevage de ce poisson-chat. Prochainement devrait être créée une unité expérimentale de cages flottantes placées en rivière afin d'étudier, en comparaison de l'élevage en étangs, l'impact des conditions environnementales sur la maturation sexuelle des géniteurs et la qualité des oeufs. Les recherches viseront également une meilleure évaluation des besoins alimentaires des larves en vue de diminuer le coût de production des alevins. Enfin, des études seront menées pour estimer la divergence génétique entre les populations de Pangasius djambal de différents bassins fluviaux, lesquelles pourraient contribuer à la constitution de souches d'élevages différentes.