Echinophyllia tarae, a été découverte au cours de l’expédition Tara Oceans dans les îles Gambier (Polynésie française), un territoire qui a fait l’objet de peu d’études taxinomiques.
« C’est un peu étonnant que personne ne l’ait répertorié avant car c’est un corail très visible, avec ses colorations variées, relève Francesca Benzoni, coordinatrice scientifique pour Tara Oceans et biologiste à l’université de Milan. Il n’est pas non plus discret par sa taille et il est présent par centaines aux îles Gambier. »
Le nouveau corail a été observé sur 18 des 24 sites des îles Gambier étudiés par l’expédition Tara Oceans en 2011. Si une telle présence passée inaperçue peut sembler étrange au premier abord, il faut savoir que les coraux des îles Gambier n’avaient plus été étudiés depuis plus de 40 ans. Le dernier scientifique à avoir travaillé sur place est le Français Jean-Pierre Chevalier.
La description de cette nouvelle espèce vient d’être publiée dans le journal Journal Reference : Benzoni F (2013) Echinophyllia tarae sp. n. (Cnidaria, Anthozoa, Scleractinia), a new reef coral species from the Gambier Islands, French Polynesia. ZooKeys 318: 59, doi:10.3897/zookeys.318.5351
Bien que la nouvelle espèce soit commune dans le lagon des îles Gambier, sa présence dans d’autres territoires est inconnue. Cette espèce est nommée d’après la goélette ‘Tara’, qui a permis l’exploration des récifs coralliens au cours d’une expédition dans le monde entier de trois ans. Par ailleurs, le nom de «tara» dans la langue polynésienne se réfère à un objet épineux, une signification qui s’applique bien à la nouvelle espèce présentant généralement des structures squelettiques pointues.
Echinophyllia tarae vit dans des habitats récifaux protégés et peut non seulement pousser sur des surfaces bien éclairées mais aussi sous des surplombs ombragés. C’est une espèce à zooxanthelles qui pousse sur les fragments de coraux morts et autres substrats également couverts d’algues corallines incrustées et de macroalgues charnues. Les colonies, observées entre 5 et 20 m de profondeur, sont caractérisées par de grands polypes. La morphologie et la coloration sont très plastiques comme c’est le cas pour la plupart des coraux durs.
« Très honnêtement, quand je suis tombée sur l’Echinophyllia tarae, je ne pensais pas à une découverte. Je voyais bien qu’il avait une tête bizarre mais je pensais que c’était peut-être un juvénile », nous raconte Francesca Benzoni.
La biologiste ne voulait pas non plus douter du travail de Jean-Pierre Chevalier, « un très bon scientifique. » Mais malgré une grande hétérogénéité de formes et de couleurs chez ces coraux durs, qui rend l’identification parfois difficile, le squelette calcaire d’Echinophyllia tarae présentait une taille et un aspect bien différent des autres espèces connues. Alors, après avoir complété son échantillonnage, la jeune Italienne a mené son enquête pour s’assurer que le nouveau corail n’avait jamais été observé auparavant. Au Muséum d’histoire naturelle de Paris, elle a fouillé dans les cahiers de terrain du biologiste français. Elle y a trouvé une courte description d’un échantillon pouvant convenir : « Echinophyllia encroutant, couleur vert foncé, mais peut être espèce différente ». Malheureusement, le fameux échantillon est aujourd’hui perdu dans l’immensité de la collection du musée. « La collection de Jean-Pierre Chevalier a été déplacée d’un département à l’autre et l’échantillon manquant a pu rester caché quelque part, explique la biologiste italienne. Nous avons tout tenté pour le retrouver mais c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. » Beaucoup d’échantillons n’ont pas encore été traités dans les méandres du Muséum. Il est donc impossible de savoir si ce corail Echinophyllia tarae a déjà été observé. La scientifique attend maintenant les résultats des données génétiques pour compléter son étude universitaire. Elle a fait comparer les séquences aux huit autres coraux de la famille Echinophyllia pour déterminer la date de naissance de cette nouvelle espèce, ou plutôt « le moment où le corail a évolué pour former une espèce à part entière », précise Francesca Benzoni. La découverte de cette nouvelle espèce met en lumière notre méconnaissance des coraux et de leur diversité.
Cette découverte en Polynésie française confirme que notre connaissance de la diversité de coraux durs est loin d’être terminée et que les expéditions scientifiques comme ‘Tara Oceans’ peuvent mener à de nouvelles découvertes dans les lieux isolés et peu étudiés telles que les îles Gambier.
Or, les coraux, qui sont à la base de notre écosystème, font face à de nombreuses menaces : réchauffement climatique, acidification des océans, pêche déraisonné, pollutions diverses… Plus de 60 % des récifs coralliens dans le monde se trouvent aujourd’hui sous la menace directe et immédiate de pressions d’origine locale. Si l’on ajoute le stress thermique, environ 75 % des récifs coralliens sont considérés comme menacés. « La découverte d’une nouvelle espèce est très importante car il est préférable de les connaître pour organiser leur protection, explique la biologiste. Il y a un très haut tôt de symbiose chez les coraux qui rend indispensable la préservation de chaque espèce. » Les nouvelles espèces découvertes chaque années se comptent sur les doigts d’une main. Mais lors de la prochaine expédition du voilier Tara, actuellement dans le grand nord, Francesca Benzoni espère bien découvrir encore de nouvelles espèces. . Les coraux, et notamment les coraux durs à l’origine des récifs, sont à la base de complexes écosystèmes sous-marins. « Je voudrais échantillonner d’autres sites de l’océan Pacifique », précise-t-elle.
Tara Oceans repartira en 2014 ...