Le poisson-zèbre sera élevé à grande échelle à l'Institut International de Biologie Moléculaire et Cellulaire (IIMCB) à Varsovie. Ce petit poisson d'eau douce permettra aux scientifiques de comprendre les mécanismes de la régénération des tissus ainsi que des maladies neurodégénératives de type Alzheimer. Le projet, nommé FishMed, est financé par des fonds européens et sera opérationnel dès le 1er Décembre 2012. L'IIMCB recrute à cette occasion les membres d'une nouvelle équipe internationale de recherche.
L'IIMCB est la première institution à introduire à grande échelle le poisson-zèbre en Pologne. Ce dernier, aussi appelé Danio rerio, est une espèce de poissons originaires d'Inde et de la péninsule de Malacca. Ce petit omnivore, de 4 à 5 cm de long à l'âge adulte, vit 2 à 3 ans en moyenne. A l'état sauvage, il est facilement reconnaissable par ses bandes longitudinales bleu foncés, d'où son surnom de " poisson-zèbre ". D'autres l'appellent " poisson-pyjama ", mais c'est sous le nom anglais de " Zebrafish " qu'il est internationalement connu.
Pourquoi ce poisson est-il si apprécié des chercheurs ? D'abord parce qu'avec sa petite taille, il est pratique à élever en laboratoire. Mais c'est surtout pour ses caractéristiques biologiques remarquable que le poisson zèbre est réputé. Il possède l'étonnante capacité de régénérer certaines parties de son corps, comme ses nageoires mais aussi ses nerfs optiques et même son coeur.
De plus, il est simple à manipuler sur le plan génétique : on peut, à l'état embryonnaire, lui insérer des gènes humains afin d'étudier leurs fonctions. Ces gènes peuvent, par exemple, être impliqués dans certaines maladies, ce qui permettra de mieux les comprendre. Il existe par ailleurs une variété génétiquement modifiée du zebrafish, nommé " Casper ", qui a la particularité d'être entièrement transparente, ce qui permet de visualiser directement toute transformation artificiellement induite (voir photo plus bas). En outre, le génome du poisson-zèbre, pas si éloigné de celui de l'Homme, a été entièrement séquencé en avril 2009. Une base d'informations génétiques connue sous le nom de " ZFIN " pour " Zebrafish Information Network " lui est aujourd'hui consacrée.
C'est pour toutes ces raisons que le poisson-zèbre est un organisme modèle dans les laboratoires s'intéressant notamment à la biologie du développement, à la médecine régénérative et à l'étude des gènes. D. rerio a déjà permis quelques découvertes majeures. Ainsi, en 2010, le Professeur Etienne-Emile Baulieu a montré que la protéine FKBP52, une immunophiline très abondante dans le cerveau des vertébrés, était capable de bloquer la protéine Tau dont la forme pathologique est impliquée dans de nombreuses maladies neurodégénératives de type Alzheimer (voir photo ci-dessous). Au mois d'Avril dernier, des chercheurs australiens ont découverts que le FGF, une protéine de croissance, favorisait la régénération des colonnes vertébrales endommagées ...
Les scientifiques de l'IIMCB ont l'intention d'utiliser ce " cobaye " pour créer différents modèles de maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson et la maladie l'Alzheimer. L'achat du matériel nécessaire à son élevage et le recrutement des meilleurs scientifiques locaux et internationaux ayant les compétences techniques pour travailler avec ce modèle d'étude n'a été rendu possible qu'après avoir remporté l'appel à projet REGPOT - " Research Potential " - du septième PCRD.
" L'objectif final est de nous positionner à un niveau d'excellence comparable aux meilleurs centres de recherche en biologie cellulaire et moléculaire en Europe. C'est pourquoi nous avons créé le Centre FishMed, qui est le tout premier centre de recherche en Pologne à bénéficier des installations de recherche spécifiques au poisson-zèbre à une aussi grande échelle " précise le professeur Jacek Kuznicki, directeur à l'IIMCB et responsable du projet FishMed.
Le Centre FishMed présente cinq objectifs. Le premier est le jumelage de sept groupes de l'IIMCB avec 6 centres européens d'excellence utilisant le poisson-zèbre comme modèle d'étude. Il s'agit notamment de l'Institut Max Planck à Bad Nauheim en Allemagne, de l'Université de Cambridge, de Leiden et de Sheffield en Angleterre, de l'Université de Genève en Suisse et de l'Institut autrichien de la Science et de la Technologie. Le deuxième objectif est de développer une plate-forme de qualité pour l'élevage du poisson-zèbre et d'organiser un nouveau groupe de recherche dont les membres, un directeur, un technicien et deux post-doctorants, seront sélectionnés à l'occasion d'une compétition internationale. Le troisième objectif est de moderniser l'équipement de recherche du laboratoire, notamment par l'achat de microscopes spécifiques à l'étude du poisson-zèbre. Le quatrième objectif est de recruter des spécialistes du transfert de technologies qui viendront renforcer " BioTech-IP ", l'unité de transfert de technologies de l'IIMCB. Le dernier objectif est de créer une plate-forme permettant de faciliter les échanges avec les communautés scientifiques et non scientifiques.
" Grâce au projet FishMed, nous ferons de l'IIMCB un centre d'excellence attrayant pour les jeunes chercheurs mais aussi pour les scientifiques plus expérimentés. Nous aurons un plus fort potentiel d'innovation, que nous mesurerons non seulement par le nombre et la qualité des découvertes médicalement pertinentes, mais aussi par les demandes de brevet et les accords de licence " précise le professeur Kuznicki.
Le coût total du Centre FishMed est de 4 M d'euros, dont 3.6 M ont été financées par le programme REGPOT du septième PCRD.