Pharmacie vétérinaire en expérimentation animale
Cette note explicite les conditions d'acquisition des médicaments dans les établissements titulaires d'un agrément au titre de l'expérimentation animale, ainsi que les conditions d'utilisation des médicaments dans le cadre des protocoles d'expérimentation ou des essais de médicaments.
I - Champ d'application
Les établissements d'expérimentation animale (EEA) utilisent des médicaments pour la réalisation de protocoles expérimentaux, notamment pour la gestion des anesthésies et la maîtrise de la douleur, ainsi que lors d'essais de médicaments.
Ces EEA, bien que n'étant pas des ayants droit du médicament vétérinaire, tels que les pharmaciens, les vétérinaires ou les groupements agréés mentionnés à l'article L. 5143-6 du code de la santé publique (CSP), ont la possibilité, sous conditions, d'acquérir certains médicaments (arrêté ministériel du 21/05/2003).
Un médicament vétérinaire, spécialité pharmaceutique, est préparé à l'avance, présenté dans un conditionnement particulier et caractérisé par une dénomination spéciale. Une substance active est une molécule qui entre dans la composition des médicaments vétérinaires en tant que matière première. Au sens de l'arrêté du 21 mai 2003, un médicament vétérinaire est une spécialité pharmaceutique conditionnée pour la vente, et n'est pas une substance matière première.
Il convient de distinguer trois utilisations différentes des médicaments :
A - Médicaments objet du protocole
Il s'agit des substances utilisées lors des essais d'activité, d'efficacité et de toxicité des médicaments à destination de l'homme ou de l'animal tels que définis aux articles R. 214-87 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) et R. 5141-2 du CSP :
- essais pharmaceutiques : essais physico-chimiques, essais biologiques ou microbiologiques ;
- essais non cliniques : essais d'innocuité, étude de résidus pour les médicaments non immunologiques.
Les expérimentations de médicaments sont initiées par un promoteur. Les essais pharmaceutiques et les essais non cliniques sont dirigés et surveillés par des expérimentateurs.
Les promoteurs fournissent les médicaments aux expérimentateurs. Dans ce cadre, la molécule est l'objet du protocole ; son approvisionnement, sa détention et son administration aux animaux ne nécessitent pas d'autorisation particulière au titre de la pharmacie vétérinaire à l'exception de l'autorisation préalable d'essais cliniques délivrée par l'Anses-ANMV.
B - Médicaments utilisés dans le cadre des protocoles expérimentaux
Les EEA peuvent commander, détenir, stocker et utiliser, en vertu de l'article 1 de l'arrêté du 21 mai 2003 :
- des médicaments vétérinaires autorisés en France,
- des médicaments vétérinaires autorisés dans un autre État membre,
- des médicaments à usage humain.
Les EEA peuvent également acquérir des médicaments à usage humain classés dans l'une des catégories de prescription restreinte définies à l'article R. 5121-77 du CSP. Pour les EEA l'acquisition de ces médicaments n'est pas soumise à l'arrêté du 29 octobre 2009, relatif aux médicaments à usage humain classés dans une des catégories de prescription restreinte pour l'application de l'article R. 5141-122 du CSP, qui n'encadre que les usages professionnels par les vétérinaires. De fait, les EEA ont accès à tous les médicaments à usage humain inscrits sur l'une des catégories de prescription restreinte.
L'acquisition, la détention et l'utilisation des médicaments ne s'effectuent que pour l'administration aux animaux dans le cadre exclusif de la réalisation des protocoles expérimentaux prévus dans l'agrément de l'EEA, et ce, dans l'enceinte exclusive de l'établissement.
C - Médicaments utilisés pour les soins courants aux animaux d'expérimentation
Les EEA détiennent des animaux qui peuvent nécessiter des soins vétérinaires et l'administration de médicaments du fait de leur état de santé ou à titre prophylactique. Ces administrations ne sont pas réalisées dans le cadre des protocoles expérimentaux et nécessitent au préalable un examen clinique des animaux par un vétérinaire.
Ce vétérinaire peut délivrer les médicaments vétérinaires qu'il a prescrit lors de l'examen clinique s'il exerce au sein d'un local professionnel d'exercice vétérinaire c'est à dire dans une structure d'activité libérale.
Si ce vétérinaire est salarié de la structure d'expérimentation animale, il ne peut pas acquérir les médicaments vétérinaires au nom de la structure (cf. arrêt du Conseil d'état n°285652 du 24 janvier 2007 dit « Arrêt Riaucourt »), Dans ces conditions, l'EEA doit alors se procurer les médicaments vétérinaires auprès d'un pharmacien d'officine sur présentation de l'ordonnance du vétérinaire, comme rappelé dans la note de service DGAL/SDSPA/NS 2007-8205 du 14 août 2007.
Les enseignants-chercheurs des écoles nationales vétérinaires peuvent également prescrire et délivrer des médicaments vétérinaires aux seuls animaux traités et hospitalisés dans les écoles nationales vétérinaires.
II - Médicaments utilisés dans le cadre des protocoles expérimentaux
A - Personne responsable pharmacie
Au sein de l'EEA, le responsable de l'établissement désigne une personne titulaire de l'autorisation d'expérimenter responsable de l'approvisionnement (commandes), de la gestion du stock (gestion des entrées- sorties, tenue d'inventaire) et de l'utilisation des médicaments (remise aux utilisateurs des quantités nécessaires à la mise en œuvre de leur protocole).
Les délégations pour certaines tâches relevant de la responsabilité de la personne autorisée à expérimenter doivent être formalisées par écrit. Le suivi est obligatoirement réalisé sous la responsabilité du titulaire de l'autorisation d'expérimenter responsable de la pharmacie vétérinaire.
Si besoin, la suppléance de la personne ayant l'autorisation d'expérimenter et responsable de la pharmacie doit être organisée par avance et confiée à une personne également autorisée à expérimenter.
B - Approvisionnement
1 - Approvisionnement en médicaments, hors psychotropes ou stupéfiants
L'approvisionnement s'effectue auprès des établissements pharmaceutiques assurant la vente en gros des médicaments vétérinaires ou des médicaments à usage humain. Il s'agit notamment des exploitants, distributeurs en gros ou, pour les médicaments à usage humain, des grossistes-répartiteurs ou des centrales d'achat. La commande peut également être passée auprès des pharmaciens d'officine sur présentation d'une commande à usage professionnel comme le prévoit l'article 3 de l'arrêté du 21 mai 2003.
Dans les écoles vétérinaires, les commandes de médicaments sont centralisées par les pharmacies centrales qui préparent ensuite des stocks secondaires pour les différents services. L'acquisition de médicaments vétérinaires se fait selon deux objectifs : soit au titre d'ayant-droit du médicament vétérinaire pour les animaux traités ou hospitalisés au sein de l'école, soit pour la réalisation des protocoles au titre de l'autorisation d'expérimenter de certains enseignants-chercheurs.
Les médicaments vétérinaires autorisés dans un autre État membre peuvent être commandés directement dans le pays d'origine, après avoir obtenu une autorisation d'importation délivrée par l'Anses-ANMV (article R. 5141-123 du CSP et suivants). La demande d'autorisation d'importation est introduite par le responsable de l'expérimentation ou par le promoteur de l'essai clinique.
La commande des médicaments à usage humain inscrits sur l'une des catégories de prescription restreinte s'effectue auprès des établissements mentionnés à l'article R. 5124-43 du CSP sur commande écrite justifiée : il s'agit des établissements de fabrication, d'importation, d'exploitation, des dépositaires, des grossistes-répartiteurs, des distributeurs en gros de produits pharmaceutiques autres que les médicaments, des distributeurs en gros de médicaments dérivés du sang, des distributeurs en gros de gaz à usage médical.
2 - Approvisionnement en médicaments psychotropes ou stupéfiants
a - Autorisation (dispositions communes aux psychotropes et aux stupéfiants)
L'acquisition, la détention et l'utilisation des préparations classées stupéfiants ou psychotropes par arrêtés du ministre en charge de la santé, sont soumises à autorisation.
Cette autorisation est délivrée par le directeur général de l'Afssaps pour les préparations classées stupéfiants (article R. 5132-75 du CSP) et par le directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) pour les préparations classées psychotropes (article R. 5132-90 CSP). Les enseignants-chercheurs des écoles vétérinaires sont dispensés d'autorisation (articles R. 5132-76 et R. 5132-89 du CSP).
La demande précise la dénomination de la substance utilisée, le fournisseur, la justification de l'utilisation ainsi que la description des conditions sécurisées de stockage. Elle est accompagnée pour les EEA de l'autorisation nominative d'expérimenter, de l'agrément de l'animalerie ainsi que de la justification de la dose (nombre d'animaux, posologie et durée de l'étude).
La composition du dossier est disponible sur le site de l'Afssaps. Il est également possible de consulter les listes de substances classées comme stupéfiants ou psychotropes sur le site.
A titre d'exemple : la buprénorphine et le pentobarbital sont classés psychotropes, la morphine et l'ensemble de ses dérivés comme stupéfiants.
b - Commande
§ 1 - Dispositions relatives aux stupéfiants :
Lorsque les stupéfiants sont utilisés à des fins d'enseignement ou de recherche, les établissements sont exemptés de passer commande sur un double volet issu d'un carnet de commande dont le modèle est fixé par le ministre en charge de la santé. Ils doivent toutefois disposer d'un registre spécial ou d'un système informatique spécifique sur lequel l'inscription de chaque opération reçoit un numéro d'ordre unique quotidiennement. Les opérations à enregistrer sont : les acquisitions, les destructions de périmés, les sorties pour utilisation avec mention des destinataires. L'enregistrement est chronologique avec un numéro d'ordre. Ces registres doivent être conservés pendant 3 ans.
§ 2 - Dispositions relatives aux psychotropes:
Aucune obligation spécifique n'est requise pour la commande de préparations classées psychotropes. A titre d'exemple, l'utilisation du butorphanol avec une AMM vétérinaire comme analgésique est à privilégier par rapport à la morphine. En effet, d'une part elle permet de respecter la cascade thérapeutique, et d'autre part les modalités d'acquisition sont plus simples.
c - Stockage
§ 1 - Dispositions communes aux psychotropes et aux stupéfiants:
Les préparations stupéfiantes et les préparations psychotropes sont détenues dans des armoires ou locaux fermés à clef tel que prévu respectivement aux articles R. 5132-80 et R. 5132-95 du CSP.
Ces stockages doivent être séparés. Le local de stockage des produits doit être fermé à clef et placé sous la responsabilité de la personne en charge de la pharmacie qui détient les clefs. La remise de la clef à d'autres personnes doit être nominative et couverte par une délégation écrite. Si, pour être séparés, les produits sont stockés dans des armoires, ces armoires doivent être scellées dans les murs de façon à ce qu'elles ne puissent pas être dérobées. L'acquisition, la détention et l'utilisation des substances ou préparations classées stupéfiants ou psychotropes sont placées sous la responsabilité de la personne titulaire de l'autorisation d'expérimenter en charge de la gestion de la pharmacie.
Les vols et détournements doivent être signalés sans délai aux autorités de police, à l'agence régionale de santé et à l'Afssaps ce qui impose la tenue de registres des entrées-sorties ainsi que la réalisation d'inventaires réguliers.
§ 2 - Dispositions spécifiques aux stupéfiants:
Le site de stockage de stupéfiants (local ou armoire fermés à clef) ne peut rien contenir d'autres (article R. 5132-80 du CSP).
d - État annuel
Pour information, les établissements autorisés à acquérir, détenir et utiliser des préparations classées stupéfiants ou psychotropes doivent fournir chaque année avant le 15 février un état annuel de l'année précédente à l'autorité administrative qui a délivré l'autorisation, soit l'Afssaps, soit l'ARS (articles R. 5132-83 et R. 5132-88 du CSP). Cet état précise, par substance, les quantités acquises, utilisées, en stock et détruites (modèle de l'état annuel disponible sur le site de l'Afssaps.
e - Cas particulier de la tilétamine et de la kétamine
Les substances kétamine et tilétamine et leurs sels sont classés comme psychotropes. Toutefois, les médicaments vétérinaires sous forme injectable contenant de la tilétamine (Zoletil) ou de la kétamine (Imalgène, Clorkétam, Kétamine Virbac) ne sont pas classés comme psychotropes. Par contre, ils sont soumis aux conditions de stockage des stupéfiants, à savoir local fermé à clef et ne contenant rien d'autre, ainsi qu'à l'obligation de déclarer tout vol ou détournement en application de l'arrêté du 31 juillet 2003 portant application de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de kétamine et aux médicaments à base de tilétamine.
C - Gestion des stocks et utilisation
Les commandes ainsi que les stocks détenus doivent être proportionnels à l'activité de l'EEA. La personne titulaire de l'autorisation d'expérimenter responsable de la pharmacie s'assure que les médicaments sont utilisés dans le respect des points 1 à 3 de l'article L. 5143-4 du CSP (cascade thérapeutique), et notamment que l'utilisation des médicaments à usage humain ou de médicaments vétérinaires autorisés dans un autre État membre ne se fait qu'en l'absence de médicaments vétérinaires autorisés, disponibles et appropriés.
L'article L. 5143-4 du CSP permet aux vétérinaires de prescrire des médicaments non autorisés pour l'espèce animale ou la pathologie concernée en l'absence de médicaments appropriés et disponibles. La disponibilité du médicament ne doit pas s'interpréter comme étant un problème d'approvisionnement. Le caractère approprié couvre notamment la possibilité d'adapter la dose et la voie d'administration à l'espèce destinataire (pour cela, les préparations pédiatriques sont parfois très utiles pour les rongeurs) ou de répondre aux objectifs de recherche poursuivis, par exemple, ne pas entraver le recueil de certaines données par des réactions secondaires.
D - Matières premières ou préparations extemporanées
Les EEA ne sont pas autorisés à acquérir des matières premières à usage pharmaceutique ni à réaliser des préparations extemporanées à partir de ces matières premières. En effet, seuls les pharmaciens d'officine, les vétérinaires pour les animaux auxquels ils apportent des soins, ou les enseignants-chercheurs des écoles nationales vétérinaires pour les animaux traités ou hospitalisés dans les écoles nationales vétérinaires, peuvent préparer extemporanément les médicaments vétérinaires dans le respect des bonnes pratiques décrites en annexe A de l'arrêté du 9 juin 2004 relatif aux bonnes pratiques de préparation extemporanée des médicaments vétérinaires.
L'arrêté du 21 mai 2003 renvoie à l'article L. 5143-4 du CSP dit « cascade thérapeutique » mais arrête la déclinaison au point 3 de cet article, donc les préparations extemporanées mentionnées au point 4 ne sont pas autorisées pour les EEA.
Toutefois, des préparations extemporanées, prescrites par un vétérinaire dans le respect de la « cascade », peuvent être administrées aux animaux d'un EEA exclusivement pour des soins curatifs ou prophylactiques, mais pas dans le cadre des protocoles expérimentaux. La préparation extemporanée est alors fabriquée en conformité avec les bonnes pratiques applicables et délivrée, soit par le vétérinaire exerçant la médecine et la chirurgie des animaux auteur de la prescription, soit par un pharmacien d'officine. L'étiquetage respecte les dispositions de l'article R. 5132-18 du CSP.
III - Attendu de l'inspection
A - Personne responsable de la pharmacie
Lors de l'instruction d'une demande d'agrément, ou de renouvellement de l'agrément d'un EEA, l'inspecteur doit vérifier qu'une personne dûment autorisée est bien nommée responsable au titre de la pharmacie (voir chapitre VII dernier point dans le CERFA 14159-01). Lors des inspections en EEA, les conditions d'exercice de cette responsabilité sont vérifiées. C'est le point E18 (gestion des médicaments vétérinaires) du Vade-Mecum « Inspection d’un établissement utilisateur d’animaux d'expérimentation ».
B - Stockage des médicaments et registre entrées-sorties
Lors des inspections en EEA, les conditions de stockage des médicaments doivent être vérifiées, c'est le point B06 (installations dédiées aux médicaments) du Vade-Mecum « Inspection d’un établissement utilisateur d’animaux d'expérimentation ».
Le registre d'entrées-sorties des médicaments doit être vérifié selon le point F12 (Présence d'un registre des médicaments vétérinaires) de ce même Vade-Mecum.
C - Médicaments utilisés
L'analyse des protocoles expérimentaux lors de l'instruction des demandes d'autorisation ou de renouvellement de celles-ci est un point particulièrement important du point de vue de la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. Cela permet de vérifier si la prise en compte de la douleur est suffisante, si les considérations éthiques sont prises en compte et de discuter, le cas échéant, avec le pétitionnaire de ses choix de médicaments en connaissance et dans le respect de la « cascade thérapeutique ». Dans ce cadre, la vérification du type de médicaments utilisés est essentielle, ceux-ci seront ensuite contrôlés sur place lors des visites d'inspections (point E18 du Vade-Mecum « Inspection d’un établissement utilisateur d’animaux d'expérimentation »).
Lors de l'inspection, il sera opportun de vérifier que les soins médicaux dispensés hors protocoles sont bien assurés par un vétérinaire référent, désigné pour le suivi des animaux (point D0801 « Recours à un vétérinaire » du Vade-Mecum « Inspection d’un établissement utilisateur d’animaux d'expérimentation »).
Les trois points A-, B- et C- doivent être obligatoirement contrôlés lors de chaque inspection « expérimentation animale ».
D - Autres aspects concernant le respect de la réglementation en matière de pharmacie vétérinaire.
D'autres aspects pharmaceutiques peuvent être contrôlés à l'occasion d'inspections, mais il ne sont pas spécifiques au domaine de l'expérimentation animale. Ils peuvent être contrôlés par un inspecteur dûment qualifié dans le domaine de la pharmacie vétérinaire, ou lors de visite conjointe avec un inspecteur dûment qualifié dans ce domaine. L'inspection répond alors à la grille d'inspection pharmacie vétérinaire et fait l'objet d'un rapport d'inspection ad hoc distinct.
Les échanges d'informations entre les inspecteurs qui effectuent les visites d'un même établissement au titre de la pharmacie vétérinaire ou au titre de l'expérimentation animale sont vivement encouragés.
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